Différents chapitres à propos de Chabroulière (Chabrolières)
repris du No 46 , décembre 2019; extrait de "LA VISTE Voir et connaître le Pays des Vans"
Sur la commune de Planzolles, au fond d’un vallon, on peut voir un curieux
édifice d’une grande qualité architecturale et dont l’identité est confuse malgré
le caractère imposant de la bâtisse.
(photo Claude Besset)
L’ensemble visible aujourd’hui est constitué de deux parties distinctes : la construction médiévale proprement dite à l’est (à droite sur la photo), et un grand corps de ferme en équerre à l’ouest. Revenons à l’élément principal qui nous intéresse ici : un logis d’environ 12 m de large sur 23 m de long, avec au sud une extension en retour d’équerre partiellement arasée. Si l’on ajoute un mur d’enceinte conservé au sud, englobé à l’ouest dans le corps de ferme et disparu au nord, on arrive à une emprise au sol d’environ 40 m par 35 m.
(Photo J. Nectoux)
Le château de Chabrolières vu du sud-est. Sous le même angle, photo des années 1980 et restitution Damien Baderou.
Les phases de la construction
L’édifice a, selon toute apparence, connu cinq
phases : une première avec un logis à tour doté
d’une structure bois sur son flanc ouest pour
desservir l’étage.
Puis s’est ajoutée une coursive en maçonnerie
- pour remplacer la structure en bois - dotée d’un
escalier en pierre au dessus d’une grande arcade
s’ouvrant sur le rez-de-chaussée.
La troisième phase est celle qui va donner une
ampleur remarquable à l’ensemble : un deuxième
étage est ajouté au logis, ainsi qu’une nouvelle aile à
l’angle sud-ouest. Trois puissants contreforts sont
ajoutés aux angles sud, ainsi que deux autres de
moindre ampleur sur la façade est. Sur cette même
façade est établi, au sommet du mur, un chemin de
ronde sur mâchicoulis, reliant la tour à une
échauguette plantée sur le contrefort sud-est. Enfin,
un mur de clôture enserre une cour sur le flanc
ouest.
Les quatrième et cinquième phases sont celles
qui correspondent à la dégradation du bâti :
probablement à la Révolution, la tour est abaissée
au niveau du toit du logis, et les défenses
supérieures - échauguette et mâchicoulis - sont
abattues. Un des contreforts est rasé pour faire
place à un escalier extérieur. Au début du XXe siècle
(1916-1921 ?), l’aile sud-ouest est détruite, sans
doute au moment où est construit le corps de
ferme.
Reconstitution de l’évolution du bâti. Vu du nord-ouest (D. Baderou).
Le « cellier » (photo G. Coladon)
.jpg)
L’entrée de la probable chapelle (photo La Viste)
Fenêtre trilobée (photo J. Nectoux)
Une fenêtre de la grande salle (photo J. Nectoux)
Pierres à bossage du glacis est (photo La Viste)
La cheminée dite sarrasine (photo R. Kleinmann)
Etonnant édifice ! S’il n’impressionnait guère vu
depuis l’ancienne route qui le dominait en venant
dePlanzolles, par contre, du côté sud-est, quel
festival d’architecture ! Une galerie de mâchicoulis -
présente sur cette seule face, des contreforts
puissants, des bossages, une inscription à la base de
la façade… Une grande demeure pouvant loger de
nombreux soldats (au deuxième étage du logis,
dans la tour) tout en offrant un grand confort pour
un personnage de haut rang.
On peut être étonné, s’agis sant d’un château
fort, de sa situation en fond de vallée et non sur un
sommet escarpé. Si c’est un cas rare, il n’est
cependant pas unique : on le retrouve au château
d’Uzer (Ardèche), où un logis à tour carrée est établi
en bord de rivière en étant fortement dominé par le
relief environnant. C’est aussi le cas des châteaux du
Champ à Altier et de Castanet à Villefort, tous deux en Lozère ; mais ils sont plus récents (XVIe siècle).
Cette faiblesse de l’implantation est sans doute du
e à la volonté du ou des commanditaires de
s’installer au cœur du domaine agricole, avec peut-
être une idée de recherche du confort pour un lieu
résidentiel.
Sur l’AVE de Chabrolières
(photo J. Nectoux)
Juste au-dessus du chemin actuel, une pierre du contrefort sud-ouest du château est gravée d’une inscription latine très visible : « ave ».
Les caractéristiques du tracé des trois lettres (dessin, épaisseur du trait…) sont celles de
l’écriture dite gothique textura, qui fut très employée par les copistes dans toute l’Europe du
XIIIe au XVe siècle. Il est plus que plausible que cette inscription, loin d’être un graffiti ultérieur,
remonte bien au Moyen Age.
Mais quel sens lui donner ? Il est bien connu qu’«Ave » (prononcer « Avé », ou encore
« Aoué ») signifie en latin « Salut ! ». S’agirait-il alors d’une formule de bienvenue destinée aux
passants et personnes fréquentant le château ? Il est plus probable qu’il faille voir ici le début
de la prière de l’Ave Maria : un « Je vous salue Marie » en hommage à la mère du Christ. C’est
que nous sommes dans une dépendance de « Notre-Dame » des Chambons. A partir du XIIIe
siècle, toutes les abbayes cisterciennes sont d’ailleurs placées sous le patronage de la Vierge, le
fondateur de l’Ordre cistercien, Saint Bernard de Clairvaux, ayant lui-même beaucoup fait
pour le développement de la ferveur mariale dans le christianisme.